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De retour d’Abidjan. Rencontre annuelle des référent.e.s du RAEMH

01 juillet 2024

Notre collègue Laurence Huard, Chargée de projet migrants, accès aux droits, plaidoyer – Région Grand Est au Secours Catholique-Caritas France, partage ses impressions

Du 10 au 13 juin 2024, 18 référent.e.s du RAEMH se sont réunis à Abidjan pour une semaine de travail.

Structuration du réseau, communication et grands chantiers communs ont rassemblé les Caritas des 10 pays membres: notre hôte, la Caritas Côte d’Ivoire, sa voisine de Guinée, celles du Sénégal, du Mali, de la Mauritanie, du Niger ; plus au nord, le Maroc était doublement représenté par la Caritas nationale et la Délégation Diocésaine des Migrations, puis du côté de l’Europe, les Caritas d’Espagne, d’Italie et de France (Secours Catholique).

Il aura fallu du courage au binôme de la Caritas Mopti, pour parvenir jusqu’à nous en bravant l’insécurité des routes du Sahel. Par ces routes incertaines voyagent hommes, femmes et enfants que nous accueillons dans nos permanences… La situation politique, sociale et économique de la bande sahélienne, si elle ne décourage pas la mobilité humaine, la rend toujours plus risquée : balles perdus, attaques ciblées et enlèvements sont fréquents.

L’atelier s’est ouvert sur les mots de bienvenues et d’encouragement du Révérend Père Jean Pierre Tiemele Tanoh, Secrétaire Exécutif de la Caritas Côte d’Ivoire ; du Révérend Père Emile Kelignon, Secrétaire Général de la Conférence des Evêques Catholiques de la Côte d’Ivoire, venu en représentation de son Excellence Monseigneur Bruno Essoh Yedoh, Président de la Commission Episcopale pour le Service du Développement Humaine Intégral et Président de la Caritas Côte d’Ivoire ; ainsi que la Secrétaire Exécutive de Caritas Africa, Mme. Lucy Esipila.

Pour lancer les travaux, plusieurs interventions ont permis de dresser une approche large et complémentaire de la question des mobilités humaines depuis et vers la Côte d’Ivoire, avec les contributions de M. Lacina Ouattara, Sous-directeur de la Direction Générale des Ivoiriens de l’Extérieur ; M. Kader Moriba Vamohoua Bamba, Président de l’association Life on Land, et M. Jean Paul Gnadou Président de l’Association des Migrants de Retour en Côte d’Ivoire. Les organisations membres du RAEMH ont également contribué à cette analyse en présentant quelques données statistiques et qualitatives de la situation des Ivoiriennes et Ivoiriens de la diaspora dans leurs pays respectifs.

La Côte d’Ivoire, nation en pleine mutation, tente de guérir ses blessures et de prévenir un nouveau chaos à l’approche des prochaines élections. Nous nous familiarisons avec le terme de « déguerpissement », employé pour décrire l’expulsion des personnes installées dans des zones sujettes aux inondations, et les opérations de destruction des habitats qui y succèdent. Des milliers de personnes sans-abris attendent leur relogement ou les promesses de compensation financière. Celles et ceux qui furent « déguerpis » sans preuve d’occupation légale ne peuvent rien espérer. À n’en pas douter, de cette situation, de nouveaux candidats à la mobilité s’engageront sur les routes.

Les propos de l’actuel secrétaire exécutif de la Caritas Côte d’Ivoire, le Révérend Père Tiemele, ainsi que de son successeur, le Révérend Père Traore, rappellent à quel point le sort des personnes en mobilité fait l’objet d’attraction, de compassion, de Respect, et que l’enrichissement humain est toujours présent, tout au long de la route. Aujourd’hui, Caritas Côte d’Ivoire s’engage dans l’accueil de ceux et celles qui reviennent, et les aide à se reconstruire. Elle s’interroge aussi sur les conditions de ce retour. Cela fera l’objet d’une série de webinaires organisés par le RAEMH très prochainement.

Les participant.e.s à l’atelier ont aussi pu partir à la découverte d’un projet soutenu par la Caritas Côte d’Ivoire, dans la commune d’Abobo, au nord-est de Abidjan. A Anonkoua-Kouté, des femmes se regroupent pour produire ensemble de l’atiéké, semoule à base de manioc, plat emblématique du pays. A travers ce projet, les femmes mobilisent leurs épargnes puis se prêtent de l’argent pour accroître ou diversifier leur business et elles réalisent des actions à caractère social et d’intérêt général.

Au-delà du contexte ivoirien, les référent.e.s ont aussi partagé quelques éléments sur le contexte social, politique et économique que connaissent leurs pays dans l’actualité. Le focus sur les réalités vécues pas ceux et celles qui retournent au pays rendent évidente l’importance de prendre en compte ce sujet à chaque étape du parcours. Pression de l’Europe pour faire advenir des projets de camps « d’accueil » au frontières, ou allocation de financements conditionnée à l’acceptation de clauses d’accompagnement des «retours volontaires», interrogent les valeurs portées par notre réseau.

Dans tous les pays que nous représentons, l’insécurité grandit, les traumatismes se multiplient, et en Europe cela se poursuit avec une politique qui se durcit, des lois qui limitent l’accès au travail et à la régularisation.

La collaboration entre les pays membres du RAEMH, étroitement connectés à la confédération Caritas, s’expriment dans plusieurs chantiers, notamment : la collecte et la protection des données au service d’un accompagnement le long du parcours; le travail en commun sur le droit à une identité qui peut permettre en France, en Espagne ou en Italie, l’aboutissement d’un parcours d’intégration; accompagner le retour dans le respect d’une libre adhésion et la préparation humaine, économique et social. Aucun retour n’est anodin ni aisé.

Nous ne pouvons accompagner chez nous sans tenter de comprendre les enjeux socio-économiques des pays de départ et de transit, sans connaître les obstacles du parcours, en ignorant les violences surmontées à chaque étape.

Le RAEMH tisse des liens qui permettent d’unir nos forces, et favorise l’émergence de nouvelles idées à l’écoute des personnes en mobilités actrices de leur projet. Partageant des valeurs communes, nous portons une attention particulière au bien-être des personnes que nous rencontrons.

Écouter la voix de l’autre demande un déplacement sémantique et intellectuel, de l’humilité pour chacun. Nous en sortons enrichis.

Laurence Huard, Chargée de projet migrants, accès aux droits, plaidoyer, Région Grand Est, pour le Secours Catholique-Caritas France.

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